Point de vue —
Clémence Simon, consultante dans la Practice Industrie chez Grant Alexander, cultive un œil aiguisé sur les nouvelles générations et les nouvelles technologies.
Elle nous livre ici son regard sur l’intelligence artificielle dans le domaine du recrutement…
Qu’on se le dise, l’IA (Intelligence Artificielle) c’est tendance. C’est ce buzzword qui peut faire peur à certains sans pour autant trop comprendre pourquoi. Alors concrètement, l’IA, c’est quoi ?
L’intelligence artificielle est bien plus qu’une simple technologie, c’est un ensemble de techniques simulant les processus cognitifs humains. Déjà présente dans notre vie quotidienne (bonjour Siri), l’IA promet un impact croissant sur l’ensemble des secteurs de l’économie. Si les GAFA ont déjà capté ce secteur prometteur (estimé à 11 mds $ dans 5 ans), l’IA pose aussi de nombreuses questions éthiques dont le recrutement n’est pas épargné.
L’IA : vers moins de discrimination ?
Quand il est question d’IA et de recrutement, la première application est celle de l’examen des candidatures. Certains y voient la fin de la discrimination liée aux biais humains, et donc une avancée dans l’objectivité de la sélection. Citons par exemple « CV Catcher » utilisé par la SNCF et Axa, ou encore « Vera » qui a déjà séduit Ikea, Pepsi Co et l’Oréal. L’IA effectue le tri des CV reçus et présélectionne les candidatures qui lui paraissent les plus pertinentes.
Pourtant, l’IA développée en interne par le géant Amazon (qui note les candidats de 1 à 5 étoiles, oui oui comme des produits) s’est révélée sexiste dans ses choix, écartant les femmes qui postulaient à des postes techniques. Se basant sur les datas de l’entreprise des 10 dernières années, elle constate le peu de femme à ce type de poste et en conclue que l’homme est « meilleur ».
Là est toute la complexité de l’IA : elle fonctionne à partir des données fournies, et reproduit ainsi des schémas similaires avec un risque d’uniformisation. Pas très objectif, ni très disruptif (tiens, un autre mot valise). Des données d’ailleurs traitées par l’homme, sujets aux biais.
L’IA au service du sourcing et de la sélection ?
Les algorithmes de filtrage utilisés par l’IA identifient les compétences clés dans les profils de candidats disponibles sur les réseaux et jobboards. La promesse derrière cette utilisation, c’est de permettre aux recruteurs de passer plus de temps à évaluer les soft skills des candidats, et leur adéquation avec la culture d’entreprise.
Voilà un paradoxe : rendre le recrutement plus humain grâce à l’IA !
Pourtant, les applications de l’IA ne se limitent pas au sourcing. Vodafone par exemple, soumet les entretiens vidéo à des robots. Grâce à l’ingénierie linguistique (TALN – traitement automatique de la langue naturelle) l’IA, qui collecte les informations via le chatbot, est désormais capable de traiter automatiquement les informations délivrées lors d’un entretien.
L’entretien vidéo avec un chatbot peut donc être comparé à l’entretien directif et structuré. La formulation des questions posées est la même pour tous, l’ordre des questions également. La puissance de l’IA reposerait d’avantage sur l’analyse du contenu verbal (intonation, contenu sémantique, structure du discours) et non verbal (expressions faciales, position…).
Recruter avec l’IA : que des avantages ?
Recruter avec l’IA correspond aussi à cette volonté de réduction de coûts des entreprises, qui consisterait à voir le recrutement et plus vastement les Ressources Humaines comme fonction support. Dans une logique de gain de compétitivité, l’IA est un pas supplémentaire vers l’automatisation.
Voyons-le autrement : l’intérêt de la montée en puissance de la machine doit renforcer l’importance des aspects strictement humains. L’intelligence artificielle doit donc rester un outil au service de. Car si les services de l’IA sont aujourd’hui appliqués au recrutement, ils ne remplaceront jamais le chasseur !
Pour gagner en sens, les enjeux de l’IA doivent désormais se recentrer sur l’aide à l’accès à l’emploi, l’accélération de l’apprentissage et la formation.
A suivre…
Clémence Simon – février 2019
clemence.simon@grantalexander.com