Une idée, un ouvrage, un concept, une “matière à penser” que nous vous partageons pour ouvrir la réflexion, découvrir de nouveaux sujets et vous amener à (re)penser sous un autre angle.
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L’acronyme signifie le travail qui relie, soit l’ensemble des pratiques, des méthodes ou même des rituels (comme on parle d’un rituel de beauté) qui nous relie à des ressources trop longtemps négligées.
A l’origine le TQR, antidote à l’accélération généralisée du temps, à la saturation des informations que chacun doit traiter dans une journée de travail, au culte de l’hyper-performance et à l’inquiétude croissante d’une fin possible de l’humanité, se développe autour de stages d’immersion dans la nature sauvage afin d’apprendre à se relier à nouveau aux êtres vivants autres que les humains. Avec quatre objectifs en ligne de mire : redécouvrir le sens de la gratitude, écouter ses émotions, changer son regard sur le monde, contribuer à la transformation positive de son environnement.
Il s’agit de réapprendre à se relier aux autres, à soi-même et à tout ce qui vit, afin de préparer ce que certains appellent « la transition intérieure » sans laquelle aucune transition énergétique et écologique n’est possible. On parle alors de grande reliance, comme une réponse spirituelle à notre modernité numérique hyper-connectée qui nous connecte au moins autant qu’elle nous isole.
Avec le boom de l’éco-spiritualité le TQR a gagné en popularité comme en légitimité, tenant lieu presque de méthode à ce nouveau courant de pensée. Christophe Monnot, maître de conférences en sociologie des religions à Lausanne est formel : ce n’est plus l’Eglise qui est notre maison commune mais la Terre. « La Terre n’est plus pensée comme réalité géophysique mais vénérée comme entité sacrée ». Voilà le fondement de l’éco-spiritualité.
Malgré l’appel du pape François à sauver la Terre, notre maison commune, dans son encyclique de 2015 Laudato si, la religion se retire de plus en plus en plus de la vie sociale et culturelle des pays occidentaux développés. Notre besoin de sacré s’est déplacé et se reporte désormais sur Gaïa, la grande entité vivante qui régule les rapports entre tous les vivants, la Terre devenant ainsi notre nouvelle Eglise et répondant à ce que la psychanalyste Julia Kristeva a appelé notre « incroyable besoin de croire ».
Dès lors tout est bon pour se reconnecter à la Terre, à son énergie et à sa puissance tellurique bienveillante : on pratique le chant alchimique pour se relier au ciel, on se nettoie l’intestin à base de venin de grenouille, on s’impose une semaine chamanique pour parler au soleil, on apprend le nouveau tao de l’amour, on fait des grandes rondes autour des arbres le corps collé à leurs troncs pour laisser monter en nous la sève régénératrice, on réhabilite les druides et les sorcières pour leur capacité à communiquer directement avec toutes les forces vivantes, on peut contempler des heures un ruisseau ou une pierre, on hybride plusieurs sagesses, bouddhiste, hindouiste, taoïste, animiste pour préparer sa conversion intérieure. C’est ainsi que fleurit aux quatre coins du monde toute une nouvelle liturgie avec ses rituels spécifiques souvent inspirés des peuples premiers ou indigènes d’Afrique, d’Océanie ou d’Amérique du Sud.
On aurait tort de se moquer de l’éco-spiritualité, même si ces rituels peuvent ressembler, pour certains, à des farces potaches. Car elle témoigne à la fois de la désorientation de nos contemporains et de leur aspiration profonde à un autre modèle de vie. Une vie en résonance.
La résonance est un concept qui a migré des sciences dures aux sciences humaines. Longtemps objet de recherche des seuls scientifiques experts en acoustique, en électro-magnétique ou en physique quantique, elle a fait l’objet d’une re-conceptualisation par Hartmut Rosa, sociologue allemand, auteur il y a quatre ans de Résonance, une sociologie de la relation au monde et en 2022 de Pédagogie de la résonance. Il la définit ainsi : « c’est une forme de relation cognitive et affective au monde dans laquelle le sujet et le monde se touchent, se répondent et se transforment mutuellement ». Et il en distingue trois formes, la résonance horizontale (celle qui vaut dans le cadre social de la famille, des proches, des amis), la résonance diagonale (celle qui vaut dans le cadre productif de l’école, du travail, de la consommation) et la résonance verticale (celle qui vaut dans le cadre de ce qui est plus grand que nous, la nature, la religion, l’art, l’histoire).
Celui qui parvient à la résonance dans sa triple dimension parvient au seuil de la vie heureuse, gagnant à la fois en autonomie personnelle, en reconnaissance sociale et en intelligence collective.
Longtemps nous avons pensé qu’il suffisait de bien raisonner pour produire, contrôler, diriger, décider efficacement. Aujourd’hui la raison passe aussi par la résonance. Et il ne serait guère raisonnable de ne pas tenir compte de ce besoin… croissant et universel.