
Le constat dressé par une récente étude d’OpinionWay est implacable : 40% des dirigeants n’ont jamais entendu parler du management de transition. Et parmi ceux qui en ont une vague idée, seuls 32% savent qu’il s’agit d’une solution managériale, qui consiste à confier – provisoirement et selon un objectif précis – la direction opérationnelle d’une organisation à un cadre dirigeant externe.
Des périodes charnières séquencent l’histoire économique. Incontestablement, nous vivons l’une d’entre elles, marquée par la nécessité, pour les entreprises, d’embrasser une pluralité de transformations, qu’elles soient technologiques, environnementales, démographiques…
Pour les aider à relever le défi, les dirigeants ont à leur disposition un panel d’outils. L’un d’entre eux porte bien son nom : le management de transition. Souffrant malheureusement d’une représentation erronée, il reste mal appréhendé et donc sous-utilisé au regard de la pluralité des opportunités qu’il offre aux entreprises. Le constat dressé par une étude d’opinion récente(1) est implacable : 40% des dirigeants n’en ont jamais entendu parler. Et parmi les autres, seule la moitié (32%) sait précisément ce dont il s’agit.
Le management de transition est ce qu’il est, rien d’autre : une solution managériale qui consiste à confier provisoirement la direction opérationnelle d’une organisation à un cadre dirigeant externe. L’intervention du manager de transition s’inscrit ainsi dans un cadre défini à la fois par un objectif précis (un projet de transformation, une période de changement) et une temporalité (sa mission est à durée déterminée).
Pour la quasi-totalité des dirigeants ayant eu recours à ce dispositif, celui-ci remplit ses promesses ! Puisque 90% d’entre eux s’en disent satisfaits. Qu’ont-ils apprécié ? Le savoir-faire du manager, son expertise et son expérience professionnelles. Mais aussi son savoir-être, son agilité, son intelligence situationnelle, sa faculté d’écouter, de transmettre et de mobiliser les équipes. Et plus encore son regard extérieur, lui qui n’a pas de velléité de s’inscrire à long terme au sein de l’organisation qui l’accueille. Sa séniorité et son statut lui confèrent également une finesse d’analyse et une posture adaptées aux enjeux de la situation.
Ce plébiscite en termes de satisfaction ne suffit pourtant pas à lever encore certaines appréhensions. Pourquoi ? D’abord, l’outil reste à tort assimilé au cost-killing, perçu comme destiné aux seules entreprises en crise : « ce n’est pas pour moi, mais pour ceux qui ont failli ». C’est encore trop souvent au pied du mur, quand il a épuisé sans succès toutes les autres solutions possibles, que le dirigeant consent à y recourir. Un tel raisonnement est une erreur d’appréciation fondamentale. Le recours au management de transition n’est pas la sanction d’un échec mais bien une preuve de discernement. La responsabilité première du dirigeant, c’est en effet la pérennité de l’organisation dont il a la charge. Son devoir, c’est d’accompagner les équipes vers la réussite collective. Cela demande de multiples qualités, à commencer par la capacité d’identifier un risque ou un défi à relever, d’y faire face avec lucidité, de se faire accompagner et de mettre en œuvre des solutions éprouvées pour franchir avec succès toute nouvelle étape. Il faut le dire aux dirigeants, il faut aussi l’expliquer aux équipes, afin que tous comprennent l’intérêt d’y recourir, les leviers qu’il permet d’activer et les bénéfices que l’on peut en tirer.
Par ailleurs, deux autres idées reçues, souvent avancées par les dirigeants sondés, méritent d’être factuellement adressées. La première tient au coût de la prestation qui effraie pas moins de 85% des dirigeants ! La réalité : une mission de transition est d’abord et avant tout un investissement qui, comme tel, pose la question du retour sur investissement. Ce sont des données telles que les économies réalisées, les gains de productivité enregistrés et de manière générale l’impact de la solution mise en place, qui permettent d’évaluer le bien-fondé, l’efficacité et au final la « valeur » d’une intervention. La deuxième est liée au fait que les dirigeants considèrent à 84% que le manager de transition ne connaît pas la culture et les spécificités de la structure accompagnée. Rappelons que la séniorité et l’expertise des managers de transition dont les parcours de carrière, réalisés dans des entreprises de secteurs d’activité extrêmement variés, leur permettent d’intégrer rapidement la singularité de l’entreprise.
La réalité est donc simple : dans une période de transitions plurielles, beaucoup d’organisations seraient bien avisées de ne pas fermer a priori la porte au management de transition ! En cas de crise certes, pour permettre à l’entreprise d’en sortir vite et bien. Mais pas seulement : l’environnement complexe conduit nombre d’entreprises à vivre des séquences pivot sans que celles-ci se traduisent nécessairement par des restructurations ou des réductions d’effectifs ! Un nombre important de cas concernent même des entreprises en développement accéléré, confrontées à la nécessité de maîtriser leur changement d’échelle, l’embauche de nombreux collaborateurs, le déploiement de nouveaux services, etc. Ainsi, si 45% des dirigeants interrogés recourent au management de transition pour surmonter une crise, ils sont plus nombreux à le faire pour une meilleure rentabilité (47%) ou pour accompagner des transformations (58%).
Combien d’entreprises auraient-elles pu être préservées en recourant au management de transition ? Combien d’autres seraient aujourd’hui dans une bien meilleure situation ? Cessons de déconsidérer le management de transition, et de passer à côté ! Et présentons-le enfin objectivement aux dirigeants d’entreprises comme l’outil privilégié de transformation au service des ambitions de croissance des entreprises et, plus largement, de notre économie.
(1) Etude Grant Alexander / OpinionWay
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Un article rédigé par Frédéric Ledien, repris dans une tribune publiée par lesechos.fr
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