Les organisations peinent de plus en plus à affecter les bonnes ressources aux bons postes. Un gâchis de talents – donc d’argent – qui pourrait être évité.
Le turnover des entreprises a plus que doublé en l’espace de 25 ans, tous secteurs confondus, selon la Dares[1]. Si ces chiffres recouvrent des réalités différentes selon les entreprises, ils démontrent que les organisations peinent de plus en plus à affecter les bonnes ressources aux bons postes. Un gâchis de talents – donc d’argent – qui pourrait pourtant être évité.
Les difficultés de recrutement, d’intégration puis de fidélisation des collaborateurs sont plus que jamais le lot de nombreuses entreprises. Déjà en 2015, comme le soulignait la Dares[2], plus d’un tiers des CDI étaient rompus avant un an. Avec l’émergence des autres formes de travail (intérim, freelancing…), ce phénomène ne s’améliore pas aujourd’hui, d’autant moins que les jeunes générations n’hésitent désormais plus à quitter leur employeur s’ils ne trouvent pas de sens dans leur travail. D’ailleurs, au 3e trimestre 2021, la Dares[3] a ainsi comptabilisé plus de 620 000 démissions et ruptures conventionnelles, un chiffre en hausse de 20 % par rapport à 2019, un exemple du phénomène de « Grande Démission ». Et ce malgré les efforts répétés des entreprises en matière de bien-être au travail. Reste que ce dernier ne doit pas s’apprécier uniquement au nombre de jours de congés ou à la présence d’une table de ping-pong dans la salle de pause.
Des fiches de poste trop « silotées »
Ce que recherchent avant tout les collaborateurs, c’est d’occuper un poste en adéquation avec leur niveau de compétences et leurs aspirations professionnelles. Or, cette exigence, trop d’entreprises l’oublient au quotidien. Et pour cause, les fiches de poste sont encore définies de manière « top-down », et non avec les principaux intéressés. Résultat : la perte d’engagement des collaborateurs monte en flèche, les problèmes de confiance s’invitent à la table et les talents quittent l’entreprise. Et ce n’est pas sans conséquence du côté des entreprises qui doivent non seulement redorer leur image employeur mais aussi recruter à la hâte pour remplacer les talents sortants. Or, les coûts directs et indirects, cachés ou non, de ces « erreurs de casting » peuvent représenter jusqu’à 20 % de la masse salariale pour des populations de dirigeants.
Vers une entreprise plus apprenante
Pour endiguer ce problème, il suffit d’allouer les bonnes ressources aux bons postes. Ni plus, ni moins. Bouger un organigramme ne suffit toutefois pas. Recourir à l’assessment en vue d’identifier les meilleurs potentiels non plus. Cela suppose plutôt d’articuler sa stratégie de gestion des talents autour d’une cartographie dynamique des compétences (et des envies !), actuelles comme futures. En pleine transformation, un grand groupe a récemment proposé à ses salariés de construire leurs futurs rôles au sein de la nouvelle organisation et de laisser leurs managers arbitrer. À l’issue de ce processus « bottom-up », les préférences des collaborateurs ont été quasiment toutes respectées. L’entreprise a ensuite investi dans la formation pour faire monter en compétences ses salariés.
Prêt(e) à changer de mindset ?
Car c’est bien la combinaison des deux – revisiter ses rôles puis former ses talents – qui permet aux entreprises d’améliorer leur taux de rétention. Et c’est dans l’ère du temps : selon une étude[4] menée par OpinionWay, un salarié sur deux souhaite demander à son supérieur de lui donner les moyens de progresser, que ce soit en négociant ses missions au sein de l’entreprise (26 %) ou encore les formations auxquelles il aimerait accéder (35 %). Pour encadrer ce type d’initiatives visant à refaçonner ses postes, il est également possible de se tourner vers des outils de job crafting. Ces derniers constituent un bon point de départ pour les organisations qui souhaitent clarifier ou développer les responsabilités de chacun, et qui ont la volonté de mieux mobiliser leurs talents, individuellement et collectivement, dans leur transformation.
Tribune par Bruno Chaintron, Directeur Grant Alexander – HR & Organisation Transformation, pour le Journal du Net.