pictogramme newsletter pictogramme newsletter

[mailpoet_form id="1"]
| Retour aux actualités et inspirations

Quand le « prêt-à-penser » freine le développement des talents. – Nicole Gelée, Consultante senior / Executive Coach, Grant Alexander – Leadership Development pour FocusRH

« Êtes-vous ambitieux ? » En ce début de coaching, mon interlocuteur semble hésiter entre l’étonnement, le mépris et le dégoût. Il me répond, de manière attendue, qu’il ne se pose pas la question en ces termes, qu’il se méfie de l’ambition, qu’en y réfléchissant, oui, il a peut-être des ambitions, mais qu’elles sont plurielles, collectives, tournées vers les autres et bien entendu qu’elles sont « saines ». Je comprends parfaitement sa réaction : au même titre que « pouvoir », « ambition » est un mot tabou en entreprise. Il ne s’emploie qu’avec une grande précaution et jamais pour parler de soi-même. Et, bien sûr, le tabou joue ici son rôle social : il nous rappelle que nos comportements ne peuvent être purement égoïstes, qu’ils doivent être directement ou indirectement tendus vers quelque chose de plus grand que notre seule personne.

 

On ne peut donc se contenter d’être ambitieux pour soi-même et surtout on ne saurait l’être au détriment de tous les autres et du projet d’entreprise. Alors pourquoi poser cette question ? Justement pour pousser mon interlocuteur à se poser les bonnes questions, à sortir des sentiers battus, à « creuser » le sujet pour mieux identifier ce qui fonde sa singularité et révéler toute la richesse de sa personnalité : son expérience, ses aptitudes, ses aspirations, son mode de fonctionnement.

 

L’autocensure comme frein au développement des talents 

 

En effet, à s’autocensurer trop facilement et trop souvent, à se contenter de reproduire sans même y prêter attention des interprétations communément admises, on limite parfois son champ de réflexion. Poser ou se poser ainsi la question de l’ambition personnelle, c’est justement sortir d’une zone de confort qui cantonne cette notion à l’arrivisme et à ses travers. C’est reconnaître au mot une polysémie et pouvoir ainsi évoquer la diversité des moteurs qui permettent l’engagement de la personne. C’est poser les bases essentielles d’un échange fructueux, honnête, profondément humain. L’intérêt est d’identifier ce qui motive vraiment la personne, ce qui la fait avancer, quels sont ses ressorts et ses ressources. Plutôt que de rester bloquée sur un jugement moral définitif, elle est invitée à exprimer son ambition librement, quelle qu’elle soit : progresser pour exercer davantage de responsabilités, mieux équilibrer vie personnelle et vie professionnelle pour consacrer plus de temps à sa famille tout en gagnant en productivité, améliorer son anglais pour évoluer à l’international… en quoi ces ambitions diverses sont-elles, en soi, « bonnes » ou « mauvaises » ? La seule question qui se pose est de savoir si et à quelles conditions ces moteurs sont conciliables avec le projet et les valeurs de l’entreprise.

 

Encourager les collaborateurs à progresser

 

Prenons un autre exemple. Beaucoup sont fiers d’avoir de l’« influence ». En revanche, nul ne se vantera d’aimer « manipuler » son entourage ! Certes, là encore, la différence des termes reflète une différence de sens : on peut encourager l’influence qui permet à l’autre de progresser, qui permet de partager une conviction forte, qui fédère un collectif vers un objectif commun ; on doit en revanche combattre les phénomènes de manipulation psychologique exercés dans l’intérêt d’un seul, qui ne bénéficient pas à l’entreprise et qui créent mal-être voire souffrance au travail.

Mais il y a autre chose. Quand on parle d’influence, on se retrouve toujours au final à évoquer une approche personnelle : une tactique privilégiée, une technique maîtrisée, une manière d’agir bien ancrée, un savoir-faire nourri par l’expérience mais qui repose sur une trame constante qui est le reflet des forces de la personne, des leviers qu’elle sait pouvoir utiliser pour amener les autres à adopter son point de vue. Oser interroger le terme de « manipulation », sans porter de jugement moral a priori, c’est au contraire se donner la possibilité d’évoquer toute une palette de comportements et de postures, de scenarii et de modes de fonctionnement. Qu’est-ce que je cherche à obtenir comme changement d’état d’esprit ou de comportement chez l’autre ? Comment l’autre peut-il réagir ? Pourquoi ? Comment puis-je m’adapter à sa réaction ? On se confronte alors à l’imprévu, voire à l’inconnu. On élargit son horizon, on prend en compte d’autres façons de penser, de voir les choses, d’agir même. C’est ainsi que l’on gagne en agilité, mais aussi en énergie et en force de conviction.

En réalité, comme beaucoup d’autres termes utilisés au quotidien dans le cadre professionnel, les mots tabous engendrent des images, des interprétations qui sont pour partie culturelles, dans l’air du temps, parfois sincères certes, mais qui trop souvent ne sont même plus interrogées.

 

Comprendre la diversité d’une équipe

 

En coaching et en formation, l’un des principaux objectifs est d’appréhender la complexité des situations et la diversité d’une équipe – la coexistence de profils, de points de vue et de comportements différents – comme une source d’enrichissement et de performance personnelle et collective. Reconnaître, accepter, comprendre, apprécier et s’appuyer sur la diversité des personnes et des cadres, voilà l’enjeu. Pour y parvenir, encore faut-il accepter de se confronter à l’altérité. Interroger des mots et des concepts inusuels, remettre en cause nos a priori et nos interprétations habituelles, peut nous y aider. Pour obtenir des réponses, il faut d’abord se poser les bonnes questions, celles qui nous font sortir de nos petites cases bien confortables mais bien trop réductrices, des comportements estampillés et catégorisés, des approches manichéennes. Se libérer d’un prêt-à-penser, c’est aussi éviter de se contenter d’un prêt-à-agir.

Lire l’article sur FocusRH