La tristesse, une émotion en creux
A propos… des émotions
Que nous disent nos émotions ? Florent Pennuen, Consultant Executive Search et Coach chez Grant Alexander, nous propose de boucler un petit tour du monde de soi-même à la découverte de ses émotions, par un dernier volet consacré à la tristesse.
« Souvenons-nous que la tristesse seule est féconde en grandes choses. » Ernest Renan
Pour clore ce voyage autour des émotions, je vous propose de voguer un moment avec la tristesse.
De la regarder, l’observer, la ressentir…
Comment s’appuyer sur elle ? Comment faire avec et pas contre ? Comment oser s’en nourrir, ne pas la dissimuler ? Comment accepter ce à quoi elle nous renvoie et ce vers quoi elle nous ouvre ? Ce vaste saut vers nos zones les plus enfouies, vers nous-même. Glissons nous ensemble dans la douceur de cette émotion, si singulière, qui témoigne spécifiquement de notre humanité.
La tristesse se déploie à la confluence de la joie, de la colère et de la peur, émotions auxquelles elle s’associe souvent volontiers.
La tristesse circule en nous comme un courant sourd.
Elle nous saisit sans crier gare, de manière parfois inattendue. Loin des émotions vives et brutales que sont la colère et la peur, moins radicale qu’elles, moins explosive que la joie, d’une autre nature, lui faisant parfois contrepied, elle œuvre en sourdine. La différence avec les autres émotions tient aussi dans le fait que la tristesse se doit d’être contenue. Rentrée. La tristesse pourrait exprimer une difficulté, une impossibilité à dire sa peur ou sa colère. Une espèce de fuite. « Douce », mais pas moins problématique. Car globalement, elle est soustraite au réel.
Elle se languit. Elle nous rend las. Elle grignote notre capacité à agir et à agir sur. Altère notre avenir. Elle se drape parfois d’un état mélancolique. S’habille de chagrin.
Sa manifestation reçoit le courroux de notre société. La tristesse est inacceptable socialement ! Dans un environnement tyrannique où trône l’absolue de la pensée positive, du sourire éclatant, de l’obsession de la réjouissance, paradoxalement, la colère serait plus admise. Elle fait partie de notre Histoire. De l’inconscient de tous. Malgré son potentiel délétère.
La tristesse est l’émotion condamnée à se taire.
Nous la libérons, parfois, seul, dans le noir, au travers d’un prétexte, d’une image, d’une scène, d’une lecture. Ou tout simplement à un moment où nous lâchons prise, à notre insu. Voire même sous l’effet-prétexte d’une joie qui inonde et transite parfois par les larmes. Ainsi il m’arrive de la recevoir lors de séances de coaching. Lorsque mon interlocuteur coaché s’y autorise, sous le sceau de la confiance, du climat de bienveillance, de l’empathie, de la profondeur de l’écoute, de l’accueil des mots…. Certes avec pudeur. Avec une forme de retenue. Avec la surprise aussi d’être accueilli par l’Autre. In fine, la tristesse est puissance en ce qu’elle nous tend à décortiquer, à détricoter, à dénouer nos affects emmêlés. A quoi peut-elle nous renvoyer de si troublant ?
« Pleurer a toujours été pour moi un moyen de sortir les choses profondément enfouies. Quand je chante, je pleure souvent. Pleurer, c’est ressentir, c’est être humain. » Ray Charles
La tristesse nous cueille sur la perte, l’abandon, sur l’acte originel de se détacher, sur l’absence, sur la relation à l’égo, l’autonomie interne face au monde. Sur la place du principe de la vie : qui est éphémère et dont la fin survient sans contrôle. La tristesse nous frappe parfois au travers d’un tiers. Ce n’est pas tant lui qui occasionne la tristesse mais davantage ce que cela éveille en nous. Qu’est-ce que nous avons perdu de nous-même? Quel est cet objet qui nous cisaille à ce moment ? Comment avancer et vivre avec cette finitude des choses ? Oser ouvrir cette porte, c’est certainement cheminer au plus près de soi. C’est approcher d’une certaine forme de vérité de soi. Or, bien souvent, nous l’écartons par le déni, creusant ainsi le sillon de notre vulnérabilité. La nudité que nous éprouvons dans ces moments de solitude face à soi-même, ouvrons lui les bras, cajolons-la, recevons-la comme une force qui se tisse d’une certaine émotivité, une sensibilité brute, une fragilité d’éprouver, d’accepter d’être traversé par ce qui advient là.
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Florent Pennuen – septembre 2019
florent.pennuen@grantalexander.com
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A propos… des émotions
Que nous disent nos émotions ? Après la joie et la colère, nous abordons les rivages brumeux de la peur, à la recherche de ses sources et de ses lumières. Avec Florent Pennuen, Consultant Executive Search et Coach chez Grant Alexander.
« Ce n’est pas en regardant dans la lumière que l’on devient lumineux mais en plongeant dans son obscurité. » Carl Jung
La peur, une émotion que nous craignons ! Et si nous apprenions à l’aimer ?
Car elle est salvatrice. D’un point de vue des réflexes primaires, elle est là pour nous protéger.
Et lorsque la peur d’être soi s’estompe, lorsque nous nous rebranchons à nous-même, nous n’avons plus peur d’ETRE. Nous nous sentons vivant avec ce que l’on est.
Face à un véritable danger, la peur a un rôle de sauvegarde.
Elle fait intervenir le cerveau reptilien, ou cerveau archaïque, qui met en œuvre nos instincts de base pour nous protéger. Si nous détectons un potentiel danger, notre corps entre dans un « état d’anxiété » et met en œuvre les moyens nécessaires pour accélérer notre système de défense physique ainsi que notre état émotionnel et mental pour pouvoir y faire face. L’adrénaline et la noradrénaline préparent notre corps pour lutter ou pour fuir. Que l’on choisisse d’affronter ou de fuir la cause de sa peur, nous avons besoin de cette énergie supplémentaire générée par le surplus d’adrénaline que le corps produit.
Si l’on monte d’un cran dans le système cérébral pour s’intéresser au cerveau limbique, on trouve le centre physiologique des émotions dans lequel domine l’affectivité. Sa fonction essentielle est la survie par une bonne adaptation à l’environnement social : empathie, statut social, intégration à un groupe, convictions et croyances, sentiment de sécurité… C’est aussi le lieu des mécanismes de motivation, réussites et échecs, plaisir et déplaisir… C’est là que nous humains pouvons trouver à gérer nos émotions, et notamment la peur, pour en faire un outil de développement.
Car loin d’être un handicap, la peur est un outil.
Charge à chacun d’apprendre à l’aimer, à la comprendre, pour la « contrôler » en douceur. Et en faire une alliée. Entre les faisceaux de sa fonction primaire de sauvegarde et de sa fonction sociale de protection se dessine une fonction conséquente : celle de la connaissance de soi et d’un développement induit. Alors que se cache-t-il derrière cette émotion que nous aurions à apprendre de nous-même ?
La peur peut nous aider à prendre conscience de nos désirs, car derrière toute peur il y a un désir caché. Pour le découvrir, demandons-nous ce que nous dit la peur, ce que nous craignons de ne pas avoir, de ne pas pouvoir faire ou plus encore de ne pas pouvoir être. La réponse que nous apporterons à cette question nous indiquera ce que nous désirons, et par-dessus tout, ce dont nous avons véritablement besoin, l’« être », ce qui est bien évidemment fondamental en matière de développement personnel.
La peur peut nous amener à dépasser certaines de nos limites, à condition toutefois de passer par l’étape de l’acceptation.
Accueillir sa peur ne signifie pas être d’accord avec elle ni même la comprendre. Mais cela peut nous permettre de la décoder. Quand on a peur, on est dans le noir ; quand on accueille une situation, on est dans la lumière. C’est cette lumière qui permet alors de voir certaines choses. Une fois la peur acceptée, on peut y faire face et accéder à de nouveaux potentiels de capacités et de forces que nous ignorions jusqu’ici.
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Florent Pennuen – août 2019